1700-1793
Naissance
Le 10 avril 1700, Claude Brossette, avocat et échevin, écrit à Boileau pour l’informer de la naissance de la première véritable académie lyonnaise. Elle ne compte que sept membres mais, remarque-t-il, « nous avons cru qu’un plus grand nombre nous embarrasserait, et pourrait nuire à la liberté dont nous voulons jouir » et « Les plus grandes choses ont presque toujours une faible origine » ; avant de préciser : « depuis le commencement de l’année nous avons formé ici des assemblées familières pour nous entretenir des Sciences et des Belles-Lettres, un jour de chaque semaine. […] Toutes sortes de sujets peuvent être tour à tour la matière de nos conférences: la Physique, l’Histoire civile, et l’Histoire naturelle, les Mathématiques, la Langue, les Lettres humaines, etc.». Boileau répond par une lettre d’encouragement datée du 1er juin 1700 : « Je suis ravi de l’académie qui se forme en votre ville. Elle n’aura pas grande peine à surpasser en mérite celle de Paris, qui n’est maintenant composée, à deux ou trois hommes près, que de gens du plus vulgaire mérite, et qui ne sont grands que dans leur propre imagination. » La première assemblée dont il reste une trace, se tint le 30 mars 1700, et on sait qu’elle fut employée, à discuter la démonstration de Descartes sur l’existence de Dieu. Les maisons des membres accueillirent les réunions, avant qu’en 1717 l’archevêque François Paul de Villeroi ne mette une salle de son palais à sa disposition. Par un beau retour aux sources, l’Académie est aujourd’hui logée dans l’ancien palais archiépiscopal de Saint-Jean et y tient ses séances hebdomadaires.
Une histoire parallèle
En 1713, un autre groupe de cinq notables lyonnais se réunit dans le but premier d’organiser des concerts et dans celui de disserter sur les sciences. En 1724, cette académie est reconnue comme « Académie des Beaux-Arts » indépendante de celle des « Sciences et Belles-Lettres ». Elle construit alors le bâtiment dit du Concert pour y donner ses spectacles et y tenir ses réunions (il sera détruit en 1856). Elle est divisée en trois classes : physique, mathématiques et arts. À partir de 1736, une scission se produit entre la « Société du Concert » et la « Société des Conférences » rebaptisée en 1748, «Société royale des Beaux-Arts»
Une histoire officielle
En 1724, des Lettres patentes avaient officialisé deux compagnies : Sciences et Belles Lettres d’une part, Beaux-Arts de l’autre. En 1758, d’autres Lettres patentes entérinent leur fusion. Beaucoup de membres appartenaient déjà aux deux sociétés. L’Académie prend alors le titre qui est encore le sien : Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, et se réunit en séance extraordinaire le 31 août 1758.
Le 3 novembre 1786, le roi accorde à l’Académie le Privilège d’imprimer, durant 20 ans, ses ouvrages, ceux des académiciens et ceux qu’elle aurait approuvés, de choisir son imprimeur et de vendre les ouvrages.
Le 4 août 1789 on ferme la bibliothèque et la séance publique prévue pour la Saint Louis est reportée. L’Académie interrompt ses séances le 22 février 1791 ; elle sauve ses collections menacées de dispersion et continue tant bien que mal à fonctionner avant le décret du 8 août 1793, par lequel la Convention supprime les sociétés savantes. L’Académie de Lyon a cessé d’être.
L’Académie dans la ville
La première séance publique a lieu le mardi 12 décembre 1724 à l’Archevêché. En 1726 un premier acte consulaire de la ville de Lyon fixe le siège de l’Académie à l’Hôtel de Ville, et précise que « les frais de l’écritoire, du feu et de la lumière » seront assurés par la Ville. En 1736, le Consulat décide de distribuer aux académiciens 150 jetons d’argent par an. En 1745, la dotation est portée à 260 par an et, en 1759, après la réunion des deux sociétés, à 600. L’acte du 14 août 1758 constate que la salle attenante au Secrétariat est devenue trop petite pour contenir les « livres, machines, curiosités d’histoire naturelle et autres effets » et pour accueillir désormais quarante académiciens en séance. Il affecte aux réunions du mardi et du jeudi la grande salle dite des Portraits ou salle Henri IV.
Pierre Adamoli, ancien conseiller du roi, meurt en 1769. Il lègue « à perpétuité‚ et de bon cœur à Messieurs de l’académie » ses collections et sa bibliothèque entière composée d’environ cinq mille volumes. Adamoli lègue aussi la somme de 3 500 livres dont le revenu doit permettre de frapper deux médailles récompensant un prix bisannuel pour des concours d’histoire naturelle. Il demande enfin que la bibliothèque soit ouverte au public une fois par semaine. Les objets du legs Adamoli sont d’abord stockés dans le bâtiment du Concert. En 1771, la Ville reçoit l’important cabinet d’histoire naturelle d’Antoine Joseph Pestalozzi ; elle confie alors ces collections à l’Académie, qui les ajoute au legs Adamoli, sans lui donner les moyens d’ouvrir au public cette première ébauche du Muséum d’histoire naturelle. Ce n’est qu’en 1777 qu’un acte consulaire attribue à l’Académie le pavillon d’angle de l’Hôtel de Ville donnant sur la place de la Comédie et la rue Puits-Gaillot. Les assemblées se tiendront dans la salle des Portraits. Dès lors, tous les mercredis, le public peut visiter le premier vrai musée lyonnais et sa bibliothèque.
1800-1847
Renaissance et métamorphose
La Révolution avait supprimé l’Académie et quelques uns de ses membres, guillotinés ou mort durant le siège de la ville. Raymond de Verninac, nommé préfet général du Rhône, arrive à Lyon le 10 avril 1800. Souhaitant faire revivre le passé littéraire, scientifique et artistique de Lyon, il réunit à l’hôtel de la Préfecture, le 13 juillet 1800, des savants, littérateurs et artistes, en particulier les survivants de la défunte Académie. Il les convainc de la faire renaître sous le nouveau nom d’Athénée, qui est celui figurant sur l’ancien sceau académique. Il promulgue le jour-même un arrêté de 24 articles, dont le premier stipule : « Il y aura dans la ville de Lyon une Société libre des sciences, lettres et arts, sous le titre d’Athénée. »
Le Ministre de l’intérieur approuve le règlement. Les nouveaux académiciens offrent le titre de « Rénovateur et Bienfaiteur » à Verninac, qui ne sera président qu’une année, avant d’être nommé ambassadeur à Berne. Les anciens académiciens encore vivants reprennent leur place et leur nombre est complété pour atteindre 45. On inscrit en tête des associés les trois consuls, Bonaparte, Cambacérès et Le Brun. Les places étant ainsi limitées, on crée en 1807, une sorte d’annexe de l’Académie : un Cercle littéraire qui deviendra en 1831 la Société littéraire de Lyon. En 1806, on décide d’abandonner le nom d’Athénée pour reprendre celui d’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts.
Dès le 12 avril 1814, l’Académie se félicite « avec transport de la déchéance de Napoléon Bonaparte » et voue « une éternelle reconnaissance aux souverains étrangers, grands et généreux libérateurs des Français ». Elle demande à Louis XVIII la faveur de l’inscrire en tête des Associés, et celle d’utiliser à nouveau le titre d’Académie royale, ce qui est accordé dès le 29 août 1814.
Les nouvelles relations avec la Ville
L’Académie n’a pas retrouvé le privilège de tenir ses séances à l’Hôtel de Ville. C’est au Grand Collège qu’on lui a octroyé un asile médiocre. En 1824, on lui affecte, au sein de l’ancien couvent des dames de Saint-Pierre, quatre salles, qu’elle occupera jusqu’en 1975. En 1831, la Ville décide de réunir en un seul ensemble la bibliothèque de l’école des Beaux-Arts et celles des diverses sociétés savantes établies au palais Saint-Pierre afin de les ouvrir au public tous les jours. L’Académie exige que ses livres soient placés dans des armoires distinctes ; 130 ans plus tard elle cédera la bibliothèque Adamoli à la bibliothèque municipale de Lyon.
À partir de 1847, la Ville double la subvention octroyée : 2400 F au lieu de 1200 F. En sa séance du 24 novembre 1846, « L’Académie reconnaissante de la décision par laquelle le Conseil municipal vient de porter sa dotation de douze cents à deux mille quatre cents francs, arrête : « Art. 1er – Le Maire de Lyon est déclaré, à perpétuité, président honoraire de l’Académie ». Le 15 décembre, le maire se félicite « de voir resserrer les liens qui unissent deux corps concourant avec un zèle égal à la gloire et à la prospérité de la ville de Lyon ».
1848-2021
C’est en mars 1847 que l’Académie décide de créer des «fauteuils», d’en fixer le nombre et de les répartir entre les classes et les sections. Elle prend donc, à partir de 1848, sa structure moderne.
L’Académie et l’Institut de France
Les académies de province ont souvent cherché à établir des relations privilégiées avec l’Institut, soit avec l’Académie Française, soit avec l’Académie des Sciences. Longtemps, l’Académie de Lyon n’a pas souhaité une quelconque association avec les grandes institutions nationales. Cependant nombreux sont les membres de l’Institut parmi ses associés ou correspondants ; nombreux aussi sont les académiciens lyonnais qui devinrent membres correspondants ou titulaires de l’une des académies nationales. L’actuel « Comité des travaux historiques et scientifiques » est l’héritier des institutions que l’État chercha à créer pour encadrer l’ensemble des sociétés savantes. Francisque Bouillier, académicien lyonnais, traite de deux siècles de relations entre les académies et l’Institut dans un livre intitulé L’Institut et les académies de province (1879). Il avait, vingt auparavant, le 29 juin 1857, présenté devant l’Académie une communication portant le même titre, qu’il concluait ainsi : « Que manque-t-il aujourd’hui aux académies de la province ? Ce ne sont pas les hommes, mais les encouragements, la publicité, une impulsion d’en haut, une direction commune, c’est enfin l’association au lieu de l’isolement. » Il faudra attendre la fin du xxe siècle pour que, sous l’impulsion passionnée d’Edmond Reboul, président de notre Académie, on tisse des liens réels entre l’Institut et les académies de province fondées avant à la Révolution. La première réunion générale se tint à Lyon, en octobre 1991, en présence des représentants des cinq académies de l’Institut et de 23 académies de province. En 1994, les statuts de la « Conférence Nationale des Académies » sont acceptés ; Reboul en est le premier président élu. Depuis, des rencontres ont eu lieu régulièrement, soit à Paris soit dans une ville académique. La Conférence publie désormais une vraie revue sous le titre Akademos. L’historique complet de la naissance de la Conférence nationale est retracé par Reboul dans une communication du 21 avril 1998, intitulée « Lyon et les académies de province ».
Aujourd’hui
L’Académie, à qui la ville de Lyon fournit toujours « les frais du feu et de la lumière », est logée dans le Palais Saint-Jean, au chevet de la cathédrale. Elle y accueille les chercheurs, dans sa bibliothèque riche de trois siècles de manuscrits qu’elle s’occupe à cataloguer et à numériser.
Les 52 académiciens (24 dans la classe des sciences et 28 dans de celle des lettres et arts) et les titulaires émérites collaborent régulièrement à divers projets scientifiques : colloques et publications, tels les Mémoires annuels et le Dictionnaire historique des académiciens de Lyon (1700-2016), qui retrace – en 1369 pages et 823 notices biographiques – trois siècles d’une histoire qui constitue un pan important de celle de la ville de Lyon. Les derniers mois ont été consacrés à la préparation d’une grande exposition sur le rôle de l’Académie dans la cité, qui devrait s’ouvrir en avril aux Archives municipales.
En temps ordinaires, l’Académie tient séance les mardis après-midi, avec des conférences ouvertes au public dans son « grand salon ». Elle distribue chaque année plusieurs prix scientifiques et de bienfaisance.
On en trouvera le détail sur le site : https://academie-sbla-lyon.fr/